Vous êtes ici : GEMACFRFaits marquants
- Partager cette page :
- Version PDF
Des émetteurs de photons uniques efficaces et brillants grâce à un miroir d’argent
Des chercheuses et chercheurs du GEMaC ont couplé une couche d’argent nanométrique avec un matériau 2D pour percer les secrets des sources de photons uniques qu’ils ont créées dans ce cristal.
Le nitrure de bore hexagonal (hBN) est un matériau constitué d’un empilement de feuillets atomiques structurés en réseau hexagonal, et que l’on peut manipuler sous la forme de cristaux de quelques couches atomiques (ou « flakes »). En irradiant ces flakes de façon localisée à l’aide d’un faisceau d’électrons, on peut créer des défauts ponctuels dans la structure cristalline. Ces défauts se comportent comme des atomes à deux niveaux d’énergie : lorsqu’on les excite avec un laser, ils retournent à leur état de plus basse énergie en émettant une particule de lumière, ou photon. C’est ce qu’on appelle la relaxation. Cette émission lumineuse a toujours lieu à une longueur d’onde bien précise, correspondant dans ce cas à la couleur bleue. Grâce à cette propriété remarquable, ces objets quantiques, également appelés centres colorés (ici centres bleus), constituent des outils prometteurs pour l’informatique quantique, où des photons uniques peuvent être employés pour véhiculer de l’information quantique.
Des études précédentes ont démontré que les centres bleus possèdent de nombreuses autres propriétés favorables à leur utilisation dans des technologies quantiques. Parmi elles, une émission stable et brillante, et leur capacité à émettre des photons tous identiques entre eux (aussi appelée indiscernabilité).
L’équipe du GEMaC s’est intéressée à la question de l’efficacité quantique des centres bleus. Il s’agit de déterminer la probabilité qu’une fois excités, ces centres bleus retrouvent leur état de basse énergie en émettant un photon unique, et non par d’autres voies de désexcitation induites par certains éléments du milieu cristallin environnant. Ces autres voies sont dites « non radiatives » et ne génèrent pas de photon ! Il est donc crucial que l’efficacité quantique soit élevée. Or elle est en général difficile à évaluer.
Pour parvenir à estimer l’efficacité des centres bleus, les chercheuses et les chercheurs du GEMaC ont tiré profit d’une propriété utile : plus l’efficacité quantique est élevée, plus le centre coloré est sensible à son environnement électromagnétique. Cet environnement est donné par l’indice optique du milieu, la présence de cavités optiques ou encore d’interfaces entre des milieux d’indices optiques différents. C’est cette dernière option qui a été exploitée. Ainsi, les centres bleus ont été successivement exposés à deux environnements électromagnétiques différents. Initialement, les centres colorés se trouvent dans un plan de hBN placé entre une couche de silice et une couche d’air. À l’aide d’une technique dite de de transfert sec, les chercheuses et les chercheurs du GEMaC ont utilisé un tampon polymère pour déplacer le flake hôte vers un autre substrat, sur lequel un très fin miroir d’argent a été déposé au préalable (figure 1). Le centre coloré se retrouve alors entre deux surfaces réflectives : l’interface argent/hBN et l’interface hBN/air. On parle de cavité planaire. Dans ce nouvel environnement électromagnétique, les propriétés émissives du centre coloré sont modifiées. En particulier, l’équipe s’est intéressée au temps qu’il met à relaxer vers son état de plus basse énergie, appelé temps de vie. Grâce à la mesure de ce temps avant et après transfert, la sensibilité des centres bleus à leur environnement électromagnétique a pu être évaluée (figure 2). En s’appuyant sur des simulations, l’équipe conclut à une efficacité quantique élevée des centres bleus. En d’autres termes, leur relaxation aboutit systématiquement à l’émission d’un photon. Cette propriété est favorable pour l’application à des protocoles quantiques.
En outre, l’accélération ou le ralentissement du temps de vie de l’émetteur dépend de sa position verticale dans le flake. Ils ont ainsi pu estimer la position verticale des émetteurs avec une précision nanométrique. En plus de permettre la mesure fine de la position de l’émetteur dans le flake et l’efficacité quantique, cette structure a permis d’accélérer l’émission de photons d’un facteur 2 et de mieux collecter les photons émis en les dirigeant préférentiellement dans une même direction, vers le haut de la structure. C’est un atout essentiel pour les expériences d’optique quantique ainsi que les applications potentielles aux technologies quantiques optiques.
Figure 1: transfert d'un flake de hBN (a) irradiation d’un flake de hBN (b) caractérisation des centres bleus activés (c) transfert sec du flake du substrat Si/SiO2 vers un substrat Si/SiO2/Ag (d) caractérisation des mêmes centres bleus sur le nouveau substrat.
Figure 2: accélération du temps de vie après transfert sur argent
Référence :
D. Gérard, A. Pierret, H. Fartas, B. Bérini, S. Buil, J.-P. Hermier, A. Delteil,
“Quantum efficiency and vertical position of quantum emitters in hBN determined by Purcell effect in hybrid metal-dielectric planar photonic structures”
ACS Photonics 11, 5188 (2024)