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Des photons cohérents en deux dimensions

Des chercheurs et chercheuses du GEMaC ont publié deux études complémentaires qui démontrent que les photons uniques émis par un matériau bidimensionnel sont cohérents, une propriété indispensable aux applications en informatique quantique. Ces travaux ont fait l'objet d'un fait marquant INP.

Les matériaux bidimensionnels sont composés de plans atomiques qu’il est possible de séparer et de manipuler pour réaliser des structures complexes, contrôlées au niveau ultime de l’épaisseur d’un atome. Le graphène et les autres membres de cette famille nombreuse ont fait l’objet de nombreuses études pour caractériser et contrôler leurs propriétés mécaniques, électroniques, magnétiques, et sont des systèmes potentiellement intéressants pour des applications de pointe comme l’informatique quantique. À cet égard, certains de ces matériaux, comme par exemple le nitrure de bore hexagonal (hBN), matériau transparent dont la structure est proche de celle du graphène, sont capables d’émettre des photons uniques. Ainsi, ils constituent de fait un système de choix pour la réalisation de qubits, ces briques de base des futurs ordinateurs quantiques. Néanmoins, pour que ces sources de photons uniques puissent être utilisées dans ce cadre, il faut qu’elles aient des niveaux de cohérence élevée, ou en d’autres termes, qu’elles soient protégées du « bruit » ambiant, présent à différents degrés dans tous les matériaux en raison de leurs imperfections, des vibrations du cristal et des fluctuations thermiques.

Des physiciens et physiciennes du Groupe d’étude de la matière condensée (GEMaC, CNRS / UVSQ), en partenariat avec le NIMS (Japon), ont étudié une source de photons uniques particulière : un « centre coloré » dans le nitrure de bore hexagonal. Il s’agit d’un défaut ponctuel qui est créé de façon contrôlée à l’aide d’un faisceau d’électrons focalisé, et qui se comporte comme un atome unique piégé dans le matériau. Les scientifiques ont publié deux études qui démontrent un niveau de robustesse élevé vis-à-vis de la décohérence. Dans la première étude, ils ont utilisé une combinaison de deux techniques d’optique quantique, l’excitation laser résonante et les corrélations de photons, pour étudier les sources de bruit affectant l’émetteur quantique à basse température (4 K). À l’aide d’un modèle développé spécifiquement dans ce cadre, ils ont démontré que les photons restent cohérents, c’est-à-dire insensibles au bruit, pendant des durées qui correspondent à l’émission d’un grand nombre d’entre eux (une dizaine de milliers environ).

Dans leur deuxième étude, les chercheurs et chercheuses ont tiré profit de cette propriété pour mettre en évidence expérimentalement un processus élémentaire important pour le calcul quantique, l’interférence quantique entre deux photons successifs. En effet, un grand nombre de protocoles quantiques se basent sur ce phénomène, appelé « effet Hong-Ou-Mandel », qui n’est possible que si les photons utilisés sont indiscernables les uns des autres, ce qui nécessite cette fameuse « cohérence ». À l’aide d’un dispositif expérimental dédié, les scientifiques ont montré ce phénomène d’interférence quantique à l’aide d’une excitation laser non-résonante d’un centre coloré - c’est-à-dire en générant des photons au moyen d’un laser impulsionnel de longueur d’onde plus courte. Cette technique engendre une perte de cohérence plus importante que l’excitation résonante mentionnée plus haut, ce qui limite l’amplitude du phénomène d’interférence. Néanmoins, plusieurs moyens existent pour optimiser l’effet Hong-Ou-Mandel afin qu’il puisse être utilisé dans le cadre de l’information quantique. L’une de ces pistes, qui sera explorée dans le futur, est d’intégrer les centres colorés dans des microcavités optiques, ce qui exaltera l’émission de photons et diminuera d’autant l’effet de la décohérence sur cette émission.
Ces deux études sont publiées respectivement dans Physical Review B et Physical Review Applied.
hBN
Figure : À gauche, fonction de corrélation de l’émission de photons, qui présente des oscillations qui prouvent la cohérence de l’émetteur. À droite, schéma de l’effet Hong-Ou-Mandel : des photons sont collectés et guidés pour pouvoir interférer.
 

Références

Two-Photon Interference from a Quantum Emitter in Hexagonal Boron Nitride, Clarisse Fournier,  Sébastien Roux, Kenji Watanabe, Takashi Taniguchi, Stéphanie Buil, Julien Barjon, Jean-Pierre Hermier et Aymeric Delteil, Physical Review Applied, paru le 27 avril 2023.
Doi : 10.1103/PhysRevApplied.19.L041003
Archive ouverte : arXiv

Investigating the fast spectral diffusion of a quantum emitter in hBN using resonant excitation and photon correlations, Clarisse Fournier,  Kenji Watanabe, Takashi Taniguchi, Julien Barjon, Stéphanie Buil, Jean-Pierre Hermier et Aymeric Delteil, Physical Review B, paru le 25 mai 2023.
Doi : 10.1103/PhysRevB.107.195304
Archive ouverte : arXiv

Lien vers le fait marquant INP

Contact: Aymeric Delteil